Le Ghana injecte massivement des dollars pour soutenir sa monnaie : une stratégie risquée ?
La Banque centrale du Ghana a massivement injecté 1,4 milliard de dollars sur le marché des changes au premier trimestre 2025, dépassant déjà ses interventions totales de 2023. Cette stratégie interventionniste, bien que stabilisant temporairement le cedi, soulève des inquiétudes quant à sa durabilité et ses risques.

Siège de la Banque du Ghana à Accra, où se décide la politique d'intervention sur le marché des changes
Une intervention massive de la Banque centrale ghanéenne
Dans une démonstration spectaculaire d'interventionnisme monétaire, la Banque du Ghana (BoG) a injecté pas moins de 1,4 milliard de dollars américains sur le marché des changes au premier trimestre 2025. Une manœuvre qui dépasse déjà le total des interventions de 2023, révélant l'ampleur des défis auxquels fait face l'économie ghanéenne.
"L'empreinte de la Banque du Ghana sur le marché des changes a continué de croître", constate le FMI dans son dernier rapport, pointant du doigt l'intensification des interventions.
Les dessous d'une politique monétaire contestable
Cette politique interventionniste, présentée comme nécessaire pour soutenir le secteur énergétique, soulève des questions légitimes. La facture mensuelle de 400 millions de dollars pour les seules importations de carburant illustre une dépendance énergétique préoccupante.
Des réserves importantes mais une stratégie risquée
Certes, avec 10,6 milliards de dollars de réserves internationales brutes - soit 4,7 mois d'importations - le Ghana dispose d'une marge de manœuvre. Mais jusqu'à quand ? Les projections suggèrent des interventions pouvant atteindre 5,6 milliards de dollars cette année, un pari hasardeux sur la pérennité des revenus des matières premières.
Les mises en garde du FMI
Le FMI ne s'y trompe pas et tire la sonnette d'alarme. L'institution préconise l'abandon des interventions directes au profit d'un cadre de gestion plus transparent et prévisible du marché des changes.
L'avertissement est clair : "Sans une stratégie d'intervention fondée sur des règles claires, le pays risque de passer d'une stabilité apparente à une vulnérabilité soudaine si les flux entrants venaient à diminuer".
Une performance trompeuse
Si le cedi s'est effectivement apprécié face au dollar en 2025, passant de 14,7 à 10,37, cette performance masque une réalité plus complexe. Cette stabilité artificielle, obtenue à coups de milliards, pourrait s'avérer être un château de cartes si les conditions externes venaient à se dégrader.
Lucien Barret
Journaliste suisse indépendant, basé à Lausanne. Spécialisé dans l’investigation politique et les droits humains.